L’entrepreneuriat est plein d’embuches. L’une des questions importantes reste celle du financement et donc de la levée de fonds. Ce sujet reste obscure pour bien des fondateurs et fondatrices et c’est à raison. Il ne s’agit pas du coeur de métier des entrepreneurs qui ne devraient pas être distraits dans une trop grande mesure par ces questions éloignées du coeur de métier : produire pour résoudre le problème et vendre à sa cible.
C’est pour échanger sur cette thématique de la levée de fonds que nous avons rencontré Edwin Ekué, consultant pour startups africaines basé en Californie, aux Etats-Unis.
Bonjour Edwin ! J’espère que tu vas bien ! Pourrais tu te présenter à nos lecteurs et lectrices ?
Bonjour Eugène, je vais très bien merci. Tout d’abord je te remercie de m’offrir cette tribune pour me présenter.
Je suis Edwin Ekué, 34 ans, originaire du Togo et consultant pour Startups africaines.
J’ai suivi des études en droit des affaires puis en Responsabilité Sociale des entreprises (RSE). Je dirais que le fil conducteur de mon parcours professionnel est l’envie de faire de l’entreprise un acteur utile pour la société et en particulier pour mon cher continent, l’Afrique.
Pourquoi as-tu fait ce choix d’études ? Avais-tu un plan en tête ?
En sortant d’un Bac Littéraire, j’avais 2 options, la philo ou le droit. Je voulais faire de la philosophie mais mon entourage me l’a vivement déconseillé et orienté vers le droit. Alors c’est ce que j’ai fait. Pour te dire, je ne savais même pas ce qu’était le droit avant de mettre les pieds dans un amphithéâtre.
Cependant je n’ai aucun regret, car le droit m’a appris à raisonner et à ne pas rester à la surface des choses.
Je me suis spécialisé dans le droit de l’entreprise car c’est ce qui collait le plus à mon esprit entrepreneurial. Et je me suis dit à l’époque, « quitte à faire quelque chose qui te plait à moitié autant que cela soit utile pour tes projets entrepreneuriaux ».
En revanche, le Master 2 RSE à l’International Terra Institute de Paris, est bien le fruit d’un choix libre et éclairé (rires). Le besoin de donner du sens à mon avenir professionnel et de travailler sur des sujets plus opérationnels.
Comment es-tu passé de Paris à la Californie et qu’est-ce que ces changements d’environnement t’ont apporté ?
Fraîchement marié, mon épouse reçoit une proposition de travail en Californie.
Rester dans la grisaille parisienne ou tenter l’aventure de l’autre côté de l’Atlantique sous le soleil et les palmiers… La question a été vite répondue.
Depuis tout petit je voyage, change d’environnement et déménage. Je vis donc le changement très naturellement.

Comment en es-tu arrivé à travailler sur des opérations de capital-investissement (VC) ?
Arrivé aux Etats-Unis, plusieurs mois passent entre l’installation et l’obtention d’un permis de travail, puis COVID, puis confinements.
A défaut de trouver un travail je me dis, pourquoi ne pas me mettre à mon compte. Après tout, s’il y a bien un pays sur Terre pour se lancer c’est bien les States !
Je souscris à une business licence sans même savoir exactement quel service je vais proposer. Je fais le processus à l’envers. Me mettre au pied du mur m’oblige à démarrer quelque chose.
Et là, mon leitmotiv de toujours, retoque à la porte. J’ai envie de faire quelque chose au service des entreprises et qui soit utile pour la société.
Je commence par accompagner des porteurs de projets dans la création de leur entreprise. Je fais ça en freelance pour un centre de formation en ligne (POWIZ). Cette expérience me donne le goût de la gestion et la comptabilité, ce qui me conduit naturellement vers la finance.
Puis, je me penche plus sérieusement sur l’impact investing. L’idée de concilier ROI et impact social me plait énormément.
Je mène ma petite enquête… En discutant avec un panel d’entrepreneurs africains, l’enjeu n°1 qui ressort c’est la difficulté de financer leur activité.
Si le financement est l’enjeu prioritaire c’est donc cet enjeu que je veux attaquer.
Je fais mes premiers pas en aidant 2 ONG (Bénin, Togo) dans leurs campagnes de crowdfunding, puis de fil en aiguille je me retrouve à aider des Startups africaines dans leur processus de levée de fonds.
Soutenir les entreprises africaines c’est participer à l’empowerment du continent. C’est cela qui m’anime avant tout.
Quels sont pour toi les enjeux du capital investissement sur le continent ?
Vaste question. Je dirais :
– Rester souverain en faisant de la diaspora (notamment les jeunes cadres) et des familly offices une alternative forte pour le financement des entreprises. Cela par des programmes d’angel investing comme le fait très bien Dream VC par exemple.
– Développer plus de fonds d’investissement locaux capables de mobiliser des devises locales. Afin de proposer plus facilement des financements en dessous de $50K.
– Soutenir les programmes d’investment readiness pour que les entreprises locales répondent mieux aux exigences internationales.
– Rassurer les investisseurs internationaux par la due diligence faite par des acteurs sérieux sur le terrain. Pour cela je pense à la société Raisers notamment.
– Et enfin, prendre le contrôle de notre narratif, en mettant en lumière ce qui se fait de meilleur sur le continent. J’en profite pour saluer l’initiative que tu as lancé avec Zema Ventures, par laquelle tu offres une vitrine aux pépites du continent.
Quels sont les stades de Capital investissement sur lesquels tu as travaillé ?
La majorité des dossiers sur lesquels je travaille vont du Pre-seed à la Série A. Mais je ne me considère pas comme un leveur de fonds.
Mon rôle n’est pas de lever des fonds. Mon rôle est de tout mettre en œuvre pour que les Startups avec lesquelles je travaille décrochent leurs premiers entretiens avec des investisseurs, construisent leur réseau d’investisseurs 6-12 mois avant la levée de fonds, et in fine obtiennent des premiers engagements avant l’ouverture du tour de table.
Un facteur crucial que j’ai constaté lorsque je faisais de l’intermédiation Startups / investisseurs, est le fait de se présenter devant un investisseur avec des premiers engagements (mêmes informels) reçus de la part d’autres investisseurs. C’est la preuve sociale. On vous fait confiance si d’autres vous ont fait confiance. Mais pour obtenir ce type d’engagements pré-tour de table, c’est un travail qui doit se faire bien en amont de la demande de financement. Il s’agit tout simplement, de créer une relation humaine de confiance, qui vous place en tête de tous les dossiers qu’ils reçoivent !
Voici pour l’accompagnement individuel. Et pour les porteurs de projets qui veulent avoir une bonne compréhension du Venture Capital en Afrique avant de se lancer, j’ai condensé tout ceci dans une formation en ligne.

Pourquoi avoir conçu un cours en ligne en complément de ton accompagnement ?
Ce cours est né d’une frustration. Lorsque j’ai commencé à travailler avec des Startups d’Afrique anglophone, j’ai vu des méthodes de travail très différentes de ce que je pouvais voir au sein de l’écosystème francophone. Et j’ai réalisé qu’une grande partie du succès de la scène anglophone vient tout simplement de leur manière d’aborder le capital-risque. Une approche que je qualifierai de plus « commerciale ».
Par le biais de cette formation, je partage aux porteurs de projet et aux Startups Pre-seed d’Afrique francophone tout ce que j’ai pu apprendre, observer, comprendre et tester.
La formation a une visée pédagogique. Il s’agit d’apporter de la structure et de la clarté sur ce monde parfois flous qu’est le Capital-risque.

Quels conseils aux entrepreneurs pour qu’ils réussissent leur levée ?
Je donnerai 2 conseils :
- Le premier, ne jamais perdre de vue que vos premiers investisseurs, ce sont vos clients ! La recherche de financement ne doit pas se faire au détriment de votre traction. Sinon vous n’aurez ni l’un ni l’autre.
- Le deuxième, est de bâtir son réseau d’investisseurs dès le début. De telle sorte que le jour où le besoin de financement se présente, vous ayez déjà :
- Un carnet d’adresses pré-chauffé,
- Connaissance de leurs critères et attentes,
- Connaissance de leur temporalité d’investissement,
- De la traction à présenter,
- Et surtout, encore une fois, construit une relation humaine de confiance. Et c’est tout l’objet de l’accompagnement que je propose.
Quelles évolutions appelles-tu de tes vœux pour un meilleur marché du capital investissement en Afrique dans 10 ans ?
J’aimerais voir des pas de géants se faire concernant le cadre réglementaire et les avantages fiscaux.
Qu’on se le dise, le capital-investissement est un pur produit du libéralisme. Il a donc besoin de liberté pour se mouvoir. Tant pour les entreprises que pour les investisseurs.
Le tout dans un cadre éthique, bien sûr. Un équilibre à trouver.
Où peut-on te joindre ?
Sur LinkedIn. J’y partage quotidiennement des astuces et des ressources à destination des Startups africaines.
Quels sont les entrepreneurs dont tu aimerais lire l’interview ici et pourquoi ?
Afzal Ayeva, pour la dimension juridique du capital-investissement et bénéficier de ses conseils en networking.
Yann-Marie Johnson pour qu’il nous parle de l’enjeu de la data pour piloter un business sur le continent.
Merci beaucoup Edwin
Merci à toi ! 🙂
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